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Enseignement Rabbani

par S. Amanoullah de Vos

 

Les 3 axes de l’enseignement Rabbani, tazkiyyat an-nafs, adab al Hadrah et stratégie des gens de la Caverne : « Ahl al Kahf ».

 

Dans la lettre n° 4, suivant l’enseignement de Mawlana Sheikh Nazim, nous avons insisté sur les dangers de notre époque troublée (Fitna). L’une de ses causes majeure c'est : Ne pas savoir rester à sa place. Cette lettre n°4 n’était pas excessive, mais un appel à l’humilité. C’est une contribution à la protection de notre orientation juste : chercher Dieu avant tout en évitant de s’identifier à une fonction ou en réclamant des titres.

Sheikh Nazim avec son Maitre Sheikh Abdallah

Nous avons découvert juste après cet écrit un important enseignement de Sheikh Adnan, ce grand savant sur le même sujet, (voir vidéo de février 2014 à Sri Lanka sur les risques de l’hypocrisie) où il dit pour lui-même en substance : « nous ne réclamons aucun titre, juste la Paix que donne la Voie ». Voici un exemple de la sainteté du vrai connaissant qui se voit faqîr, pauvre devant Dieu, ne demandant aucune reconnaissance sachant que Dieu connaît ses saints.

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Récemment réédité chacun peut lire aussi un texte magnifique de Sheikh Al Alawi sur la Voie et dans lequel ce même sujet apparaît. Nous citons l’extrait : « Celui qui prétend vouloir guider les gens et entreprend de les éduquer spirituellement avant que cela ne s’impose à lui de façon évidente, présente le symptôme d’un trouble, Fitna. En effet, son initiative en direction des créatures procède de quelque chose de créé, c’est à dire de son ego, nafs. Cette initiative ne vient pas de son Seigneur, et c’est la raison pour laquelle elle sera rejetée. Son action deviendra une cause de trouble, Fitna, pour lui-même ainsi que tous ceux qui se rattacherons à lui …l'être qui désire se manifester est le serviteur de la manifestation et il trahit ainsi sa condition de serviteur de Dieu dans la mesure où il veut corriger chez les autres ce qu‘il n’a pas fini de corriger en lui-même. Cette règle de l’anonymat s’applique à tous ceux qui ont obtenu quelque chose des secrets de la communauté élue. Celui qui n’a rien obtenu et se met à vouloir guider (irchad) les autres n’est qu’un menteur et un imposteur (muftatirr) » (Sagesse céleste, Sheikh al Alawi, Editions Entrelacs, pages 464,465). Le Sheikh dans le même contexte rappelle que si ces gens qui utilisent la religion pour une cause personnelle, selon une sorte de ruse politicienne, ou un intérêt personnel, semble réussir, on ne doit pas s’y tromper car le verset du Coran est clair, et il cite celui que Mawlana Sheikh Nazim récitait systématiquement pendant les tarawih du mois de Ramadan, ceux qui étaient présents doivent s'en souvenir :

« Lorsque ces gens eurent oublié ce qui leur avait été rappelé, nous leur avons ouvert les portes de toute chose; mais après qu’ils eurent joui des biens qui leurs avaient été accordés, nous les avons emportés brusquement et ils se trouvèrent désespérés. Tout ce qui restait de ce peuple injuste fut alors retranché. Louange à Dieu Seigneur des mondes » (Coran 6-44-45).

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Sheikh Ahmad al-Alawi, Pôle spirituel et représentant de l'Imam Ali (d'où le nom de sa tariqa) à son époque, abreuva l'Occident de sa Barakah au début du 20e siècle

Cette clarification ne procède pas d’une mauvaise intention, d’une déception, une jalousie ou autres sentiments, elle procède au contraire d’un sentiment de compassion, Rahma, qui vise à prévenir d’un risque de voile sur la Voie. « Allahumma anta maqsudi wa ridhak matlubi » : Voici le dhikr du vrai murid naqshbandi « O mon Dieu tu es mon But et c’est Ta satisfaction que je demande. »

Le chemin des sincères, çiddiqiyyun, nous demande de ne pas nous détourner de Dieu par les fonctions, les titres, les stations. Dans cet Esprit je voudrais continuer en montrant que l’enseignement Rabbani ouvert par Mawlana Sheikh Nazim ar-rabbani, expression de la Voie à notre époque peut se regarder à partir de trois axes :

  1. Tazkiyat an-nafs, Purification de l’ego ;

  2. Adab al Hâdra, le respect de la Présence dans sa théophanie particulière de l’instant ;

  3. La stratégie des gens de la caverne, Ahl al-kahf, les compagnons de l’Imam Mahdi.

Sheikh Amanoullah recevant les recommandations de son Maitre Sheikh Nazim ar-Rabbani

I- TAZKIYAT AN-NAFS

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Tazkiyat an-nafs (purification de l’âme) est l’expression coranique qui désigne la voie soufie dans le texte sacré. Cela mérite donc d’y regarder de près. Notons que le mot arabe et coranique nafs désigne à la fois l’âme et l’ego qui en est une fixation dévoyée. Nous verrons que cette âme qui procède à l’origine de Naffas Ar Rahman, le souffle du Tout-Miséricordieux, lumière divine équivalente à l’Esprit, est ensuite descendue, avec la chute, du sommet de l’Etre dans les degrés misérables des conditions existentielles.

 

Le Coran Magnifique distingue 7 degrés de la nafs dans le texte sacré.

An Nafs ammara bi Su’, l'âme qui incite au mal. C'est le degré de ceux qui ne savent pas même que l’ego existe et qui se laissent guider par leurs tendances compulsives morbides, les fixations idolâtriques qui conduisent à l’enfermement de la conscience.

An nafs lawwama, l’âme qui se blâme. C’est le degré de l’âme qui résiste au mal mais en s’installant dans des reproches morbides qui ne la font pas sortir de son état. Elle se critique elle-même et par la même commence à critiquer les autres sans trouver de solution. Ce sont des âmes tourmentées par le mental.

An nafss moutma’inna, l'âme apaisée ; C'est le degré de l'âme qui trouve la Paix, par le chemin de l’invocation du cœur dhikr Allah et commence à gouter le silence. Les personnes à ce degré préfèrent le silence aux discussions produites par le mental car ils ont commencé à goûter la paix qui s'installe quand le mental cesse de les solliciter en permanence.

An Nafs radhia, l’âme satisfaite, heureuse car elle a reçu la vraie joie (qui est le contact avec l’Etre; C’est le degré de l’âme, qui non seulement est en paix, mais goute enfin la JOIE, comme sa nature profonde et réelle. En effet, notre ETRE rayonne. Comme l’or brille naturellement par sa nature, la nature de l’âme est de rayonner la JOIE naturellement. On reconnaît les gens de ce degré à leur joie intérieure.

An Nafss Mardiyya, l’âme qui donne la Joie à Dieu en tant qu’elle est acceptée et par extension donne la JOIE aux autres. C'est le degré de ceux qui donnent la joie de l'Eveil spirituel.

An nafss ‘ibadi, l’âme servante à l’instar des anges parfaitement obéissante, l’âme angélique ou Rabbani, An nafs jannati, l’âme qui a retrouvé sa nature paradisiaque et qui vit continuellement au Paradis où qu’elle soit.

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Ceci est le chemin par lequel l’âme retrouve sa nature originelle selon l’enseignement coranique. Inutile de rappeler qu’il s’agit de commencer par le début : connaître les mécanismes de détournement produits par l'ego. Car soulignons-le : Pour réaliser les degrés suivants, il est nécessaire que le regard soit devenu clair, que le cœur ait opéré son « dévoilement ». L’immense importance du début, ce wudu’, cette ablution de l’âme, va conditionner la suite du chemin. Sans ce dévoilement par la purification de l’âme comment voir l’appel divin, comment percevoir les théophanies qui permettent Adab al Hadra. Car nous allons voir que les remèdes de ces maladies de l’âme sont inclus dans la connaissance et la pratique des Noms divins en tant que hadarat, manifestation de la Présence comme autant de parfum d’une aromathérapie spirituelle (voir chapitre 558 Futuhat al Makiyya - où les noms divins sont considérés par Sheikh al-Akbar en tant que hadarat). Cette science appelée en Islam ‘ilm an-nafs est magnifiquement développée dans la voie soufie, c’est le sujet de mon livre l’Ennéagramme dans la voie soufie. J’y montre que les premiers chapitres du Coran, 9, 18, 27 36, tous multiples de 9 parlent de ce sujet. La beauté de la chose c’est que les 9 compulsions (produites par des blessures de l’âme) identifiées dans le Coran (chap. 27) comme : « 9 individus qui corrompent la citée » (le cœur) ont leurs corolaires positifs (chapitre 9) en tant que 9 typologies de la sainteté :     

« at-taibun, al ‘abidun, al hamidûn, as-saihûn, ar raki’un, as-sajidûn, al-amirûn bi-l ma’rûf, an-nâhûn‘ani-l-munkar, al-hafizûn li hudûd Allah…».

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L'Ennéagramme et les 9 typologies de sainteté d'après le Coran Magnifique

Or ces neuf typologies de sainteté se retrouvent dans les 9 compagnons de l’Imam Mahdi, identifié clairement par le Sheikh al Akbar comme les « gens de la caverne », les Ahl al-Kahf.  Chacun d’entre eux portent des sciences spécifiques liées aux noms divins. Nous allons écrire sur cela dans le paragraphe sur Adab al Hadra mais il nous semble utile de rappeler encore qu’avant de nous envoler par les prières, les dhikr, les chants, un nettoyage est nécessaire. Est-il nécessaire de rappeler que la prière demande d’être précédée par le wudu’, l’ablution ?  Or nos « mémoires poisons », celles qui nous conditionnent dans les profondeurs de nos cellules, là où le mental n’a pas même accès, conduisent notre vie sans que nous en soyons conscients.
J’insiste : les neurosciences même nous disent que si le mental est l'équivalent de 2000 bits/ secondes, l'inconscient qui nous fait somatiser, correspond à 4 milliards de bits /seconde. Comment peut-on croire avec le mental contrôler ce domaine de l’inconscient ? Ce dernier lui est 2 millions de fois plus puissant !

Il faut une technique de « transe » qui nous fait « voyager » dans les mémoires de nos cellules avec une « lumière divine » spécifique. C'est cette science que j’applique depuis 10 ans dans des séminaires en suivant le « processus de la naissance ». Ce processus de notre naissance par les 9 mois de gestation dans le ventre de notre mère nous structure profondément dans les profondeurs de nos cellules. Y faire descendre la lumière de la conscience est libérateur. C’est une véritable science de l’âme qui s’apprend et ne s’improvise pas et dont les résultats sont magnifiques.

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L'ancienne édition à gauche et la nouvelle édition à droite (augmenté des 27 sous-types en correspondance avec les fussuss al hikam) de l'ennéagramme soufi

II – ADAB AL HADRA

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La VOIE quelle que soit les formes qu‘elle prend, consiste à réaliser l’attitude juste dans la relation à Dieu, al Haqq, le REEL. Or, les modalités de La Présence divine changent à chaque instant selon des théophanies, Tajjali, qui se renouvellent. Le Coran nous enseigne dans le chapitre 55 : « koulou yawmin huwa fi cha’n (Chaque jour Dieu est à une œuvre nouvelle) ». Ceci est un enseignement sur la fluidité de la connaissance en renouvellement constant. La connaissance est un processus, une mutation permanente de la conscience, c’est même « la stabilité dans le renouvellement ». Elle est à l’instar de la respiration qui est l’expression du « souffle de la Miséricorde ». Elle se structure comme le souffle lui-même est structuré par la parole. Ce souffle, Esprit divin, l’équivalent de la lumière divine, se structure à travers des relations : par les besoins de l’homme (quand il appelle dans sa dépendance à Dieu) ou par ses capacités réceptives (quand il s’habille de ces qualités divines, takhaluq bi akhalqi llah).

 

L’expression de ces différentes manifestations selon des circonstances différentes constitue les Tajjali, les Théophanies ou manifestations des « présences divines », hadarat, qui s’identifient aux NOMS DIVINS.  Le murîd, l’aspirant, précisément grâce à son ascèse de tazkiyat an-nafs, par la purification de son âme, en polissant le miroir de son cœur, devient capable de reconnaitre ces lumières divines sans les déformer. Il sait percevoir, recevoir, se mouvoir en fonction de ces « présences » devenant ainsi ibn al waqt, le fils de l’instant. En langage populaire, on pourrait dire « qu’il sait danser avec la musique ». Or, ne peut danser juste que celui qui entend correctement la musique et ses changements. En langage coranique, cela se traduit par l’expression célèbre : « sami’na wa ata’na, ils ont entendu et ils ont obéit ». Il s’agit d’entendre l’ordre divin et de s’y conformer, d’être en harmonie avec le plan divin en tenant compte de sa fluidité, de ses changements. Dans la pratique le murîd, aspirant, peut par exemple invoquer le nom Allah ! Allah ! Et dans cette présence qui rassemble tous les attributs divins, il peut être conduit à une présence particulière qui représente un des grands Noms de Dieu. Ceci est un secret de la voie très important : tout en étant dans l’invocation du même nom : Allah ! Allah ! L’aspirant peut percevoir différents noms divins dont le nom Allah prend la forme. Ibn ‘Arabi appelle le nom Allah jâmî’ al hadharat, celui qui inclut toutes les présences. C’est ce qui explique que dans le khatm khawajagan de la confrérie naqshbandi on invoque les différents noms divins en finissant toujours par indiquer qu’il représente Allah, exemple : Ya Latif, Ya Latif, Ya Latif, Ya Allah ! Cette pratique indique aussi que tous ces noms visent et s’orientent vers Allah quel que soit la relation à Dieu qu’ils représentent. Ceci est indiqué dans le Ayat « qoul Id’ou Allah awi Id’ou ar-rahman, ayyama tad’uhou, falahou al asma al hossnâ » (Invoquez Allah ou invoquez le Miséricordieux. Quel que soit le nom par lequel vous l’invoquez, à Lui, appartient les plus beaux noms (coran. 17-110)). Lahou (à Lui) indique ici que la variété des noms divins n’est que l’expression et le miroitement de Son Essence et reconduisent toujours à Lui.

 

On peut considérer deux phases correspondant à notre "orientation spirituelle". Dans la première le murîd s’aperçoit que lorsqu'il invoque Allah Allah, en fait il pense par exemple "ya Sattar" celui qui "sauve", car c’est en fait la demande à partir de laquelle il invoque. Une autre fois il dira encore Allah Allah mais en fait il pensera, " ya Razaq," celui qui nourrit, car sa demande et son appel procède de ce besoin de nourriture. Cette attitude est normale et c’est celle du croyant qui demande à Son Seigneur tout à fait légitimement. Mais celui qui aspire à la sainteté, à la pureté, à la sincérité, quand il s'aperçoit que son invocation est souvent “intéressée”, il essaie alors de dire vraiment Allah, Allah, sans une demande particulière incluse dans son appel, juste pour la "face de Dieu". Cette pratique n’est pas si simple à réaliser car elle implique "la prise de conscience" de ce qui nous motive inconsciemment et comment s’en détacher pour invoquer Allah de la façon la plus pure. Dans la  deuxième phase, le murîd, a réalisé en pleine conscience qu'il n y a que LUI. Il peut invoquer par tous les noms, celui qui reste (al-bâqî) ce sera toujours LUI, Allah. Plus rien ne le détourne de la contemplation de l’Essence car il la voit présente en toutes choses quel que soit les noms par lesquels il invoque. Cette capacité et cette pratique s’appuient sur l’application de deux sciences fondamentales : tout d’abord tazkiyat an nafss,  afin d’ouvrir l'œil du cœur, puis sur la connaissance des Noms divins qui sont les matrices des théophanies, les angles de la lumière, les relations de l'homme avec son Seigneur. C'est ce qu’apprend avec un guide qualifié en particulier, dans la pratique de la khalwa, la retraite spirituelle.

III- La Stratégie des gens de la Caverne, Ahl al Kahf

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Le Coran nous donne un enseignement universel, archétype qui peut s’appliquer à toutes les époques. Aujourd’hui à cette époque de trouble (fitna) la convergence de tous les hadiths, (les paroles prophétiques), nous conduit à prendre exemple sur les « gens de la caverne ». Se retirer avec sa famille spirituelle dans un espace choisi afin de se protéger de ce que l’on ne peut plus changer. On peut comprendre aussi cette retraite comme un entrainement pour devenir les compagnons de l’Imam al-Mahdi se préparant à son apparition. Nous parlerons dans la lettre n°6 des modalités de cette stratégie en relation avec les sciences de ces compagnons de l’Imam al-Mahdi telle que le Sheikh al Akbar nous l’a enseignée ainsi que Sheikh Abdallah ad-Daghestani et Sheikh Nazim, lesquels ont aussi nommé ces compagnons qui sont mentionnés dans le talisman, daïra, porté par les disciples. Il est une bénédiction de protection mais aussi nous met en relation avec la présence de ces compagnons. Et c’est de Dieu que viennent les grâces opportunes (wa mina Allah Tawfîq).

 

                     Serviteur de la Voie, S. Amanoullah

Daïra Naqshbandi

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