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Les compagnons de l'Imam al-Mahdi : les fityan de la caverne.

Une voie universelle : la FUTUWWA, la chevalerie spirituelle

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Par Sh. Amanoullah de Vos

 

 

Dans notre lettre précédente, nous avions commencé à dévoiler quelques éléments des sciences de l’Imam Mahdi qui nous sont indiquées selon Sheikh Muhhyyî Din Ibn 'arabi dans le chapitre du Coran n° 18 Al-Kahf (la Caverne).

Nous avions parlé du grand ‘Arif bi llah, (connaissant)  l'Imam Ja’far aç-çâdiq, petit fils de Abou Bakr çiddîq par sa mère et petit-fils de Zain al ‘âbidîn par son père, lui-même, fils de l’Imam Hussein. L’imam Ja’far avait donné une image concernant les sciences de l’Imam al-Mahdi (saw) à venir.

Il disait que si l’on considérait un alphabet utilisant 72 lettres, seulement deux lettres représentant l’ensemble des sciences qui avaient été dévoilé à son époque tandis que l’Imam dévoilerait les 70 restantes. Ceci peut se comprendre plus aisément en pensant à la théorie des cycles cosmiques où l’Âge de Fer dans lequel nous sommes n’a pas de comparaison avec cet Âge d’Or que va restaurer l’Imam (Saheb az-Zamân).

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Le Nom divin Mâlik al-Mulk, le possesseur du Royaume au sens de « Roi du Royaume » avait été souligné en rapport avec cette mission de l’Imam al-Mahdi. Notre harmonisation avec ce nom pouvant décider de notre relation à l’Imam surtout si l’on comprend que notre âme personnelle est aussi notre Mulk et que donc maîtriser son âme est « connaître son Seigneur ».

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Nous avions fait allusion à son expression géométrique comme le triangle ou la montagne sacrée originelle appelée en Inde, Axe du monde, et jabal Qaf dans le monde de l’Islam. Son sommet est le point d’où se manifeste l’ensemble des cycles cosmiques. Ce point peut être perçu dans le point sous le Ba-ب de la basmallah mais aussi comme le point au centre de la lettre NÛN-Ù†. Ceci nous permet donc de considérer la lettre NÛN-Ù† dans sa présentation complète comme une image du Mérou. Rappelons que dans notre livre la genèse de la sagesse, nous avions déjà parlé de ces deux parties de la lettre NÛN-Ù† en relation avec l’imam al-Mahdi pour la partie « terrestre » représentée par le NÛN qui est visible dans l’écriture tandis que la partie céleste qui « descendra » est identifiée avec Sayyidina 'Îssa, Jésus dans sa deuxième venue.

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Le Nûn terrestre de l'Imam al Mahdi se joint au Nûn célèste de Jésus pour donner naissance au Soleil de la transmutation du monde.

Les deux parties du NÛN se rejoignant (manifestée dans l’histoire par la rencontre entre l’Imam al Mahdi et Sayyidina 'Îssa) représente le retour de l’Islam à son état originel, le retour à l'Âge d’Or. Nous avions parlé de la science de “Nuzul”. La science ‘’opérative” des descentes de grâces qui sont données en tant que conscience et pouvoir coordonnés. Cette descente des grâces ne semble pas demander une ascèse pour la recevoir mais elle demande une grande pureté de l’âme selon le modèle prophétique ce qui ne doit pas être oublié pour éviter un « laisser aller » inapproprié.

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Les conditions de l’espace et du temps ont déjà été dépassées dans le cas de l’ascension nocturne du Prophète ce qui ouvre donc des possibilités pour un homme spécialement mandaté pour transformer le monde. Rappelons que méditer sur ces versets de Al-Kahf (la caverne) c’est suivre l’injonction prophétique nous conseillant d’apprendre les “dix premiers versets de sourate Al-kahf ” pour nous protéger des épreuves à l’époque du dajjâl, l’Antéchrist.

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Celui qui fait cela recevra des inspirations innombrables au point de pouvoir écrire un livre sur chaque verset. Le Coran n’est pas un simple texte à comprendre, c'est le support d’une descente de théophanie Tajjali, une « pluie d'étoiles » dans le cœur, cela bien au-delà de ce que saisit notre mental.

«Fala uqussimu bi mawqi’i nujum » (j'en jure par le coucher des étoiles), Coran 56, 75.

Nous sommes en conséquence, obligés de choisir juste un peu de cette pluie qui pourrait remplir des océans, en l’offrant au nom de la gloire de Dieu à ceux qui veulent s’abreuver de ce nectar.

Nous allons reprendre au verset 8, avec un peu de frustration pour tout ce que nous n'aurons pas partagé. « Considères-tu que les compagnons de la Caverne constitue une chose extraordinaire parmi nos Signes ? ». Il s’agit d’une interrogation que Dieu fait à son Messager et par lui à nous même. En effet, devant le fait qu’il s’agit tout de même de personnes qui sont restées 309 années « comme endormies » dans une caverne et qui se « réveillent » comme après un seul jour, il y a de quoi s’étonner et trouver cela extraordinaire.

Cette interrogation est donc une allusion au fait que ce qui peut sembler ‘ajîb, extraordinaire, pour les hommes, n’est rien pour Dieu. En fait, cela nous prépare à la suite ; à l’époque de l’Imam al-Mahdi, si proche, dont la condition est encore plus extraordinaire.

Le Coran nous donne beaucoup d’exemples extraordinaires comme la longévité de Noé par exemple, qui atteint les « mille années moins cinquante ». Ce point devient important si l'on sait que concernant l’Imam al-Mahdi, tous les musulmans sunnites et chiites croient en sa venue en suivant la centaine de hadiths du coté sunnite et plusieurs centaines du côté shiite.

 

Une discussion néanmoins s'est élevée entre différents groupes de savants pour définir si cet Imam annoncé dans les hadiths est : soit un homme que Dieu va susciter le moment venu ou soit le fils de Hassan al ‘Askari, ce dernier étant le 5e petit fils de l'Imam Ja’far aç-çâdiq dont nous avons déjà parlé. Dans ce cas, il serait entré en occultation et serait vivant depuis environ 1300 ans.

Le groupe des savants qui croit que les hadiths donnent des indications pour l'Imam Mahdi soit bien le fils de l’Imam Hassan al-‘Askari, développe le fait que la science elle-même n’interdit pas « techniquement » une telle longévité même si cela est plus que rare. Ce groupe démontre que les conditions de l’espace et du temps ont déjà été dépassées dans le cas de l’ascension nocturne du prophète ce qui ouvre donc des possibilités pour un homme spécialement mandaté pour transformer le monde. Nous n’allons pas ici prendre une position qui alimenterait la polémique, néanmoins comme tous ceux qui se sentent concernés par ce sujet, nous avons posé la question à notre Murchid et Mujtahid Mawlana Sheikh Nazim et nous pensons que chacun devrait ainsi interroger les hommes de Dieu sur ce sujet.

Ya Malik ul Mulk, invocation traduite par "Ô Roi du Monde" inscrite à l'entrée de la maison de Sheikh Nazim

Continuons de recevoir notre nourriture du Coran avec le verset 9 :

« Quand les fityatu, les jeunes héros chevaliers, se réfugièrent dans la caverne, ils dirent : Notre Seigneur accorde nous une Miséricorde venant de Toi et dispose de notre affaire selon la droiture ».

 

Remarquons ici plusieurs mots clés : Dieu appelle ces « compagnons » de la caverne ici Fityatu, qui désigne ceux qui sont sur le chemin de la futuwwa terme qui inclut, la noblesse, la générosité, la fidélité au pacte, la vertu, le courage, la jeunesse éternelle.

Cette expression est mentionnée une dizaine de fois dans le Coran et beaucoup plus dans les hadiths. Ceux qui la pratiquent sont les fityan, les « héros chevaliers ».  Cette expression est confirmée par leur demande de « droiture », rashad, dans le même ayat. Cette noble quête de la connaissance caractérisant les fityan est universelle et de toutes les époques, elle représente la voie universelle dont l’expression islamique est ici clairement formulée.

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Les ahl al kahf qui se réfugient et "dorment" dans la Caverne pendant la période d'obscuration du Monde

Nous devons insister ici sur la présence de cette voie : la Futuwwa, car nous affirmons (avec beaucoup de connaissant de cette époque), qu’elle constitue la nouvelle forme d’engagement spirituel à notre époque, selon un modèle que nous développerons et qui justifie tout ce que nous écrivons ici.

 

Comprendre l’esprit de cette voie devient fondamentale à un moment où les confréries ne peuvent plus assumer la fonction de formation en écoles comme auparavant et encore moins conduire à la Connaissance (voir la déclaration de Mawlana Sheikh Nazim : « Soyons rabbaniyyîn » que nous avons développée dans la lettre n° 1).

Le Sheikh Najm din Kubra (dont le pacte initiatique est inclus dans la transmission naqshbandi) en commentant ce passage du Coran dit : « Si dieu les a nommés Fitya c’est parce qu’ils ont cru en LUI par la voie de la réalisation (Tahqîq) et non par l'imitation (taqlîd) et c’est à Allah qu’ils ont demandé la droite guidance » (Haqqi, Ruh p. 468). Il s’agit d’agir En Allah, par Allah ce qui rejoint l’expression « Nâçir al Haqq bi-l-Haqq » de la prière al-fatihi.

Ceci étant dit, pour précisément dénoncer le ridicule et l’imposture du taqlîd, cette « imitation plastique » selon l’expression de Mawlana Sheikh Nazim qui s’en moque souvent. Sheikh al-Alawi déjà, dans son livre : les substances célestes (voir édition Entrelacs), commentant des aphorismes de Sidi Abu Madyan parlait du danger de fréquenter un soufi ignorant. Citant le hadith : « Le pire des châtiments le jour de la résurrection sera infligé à celui que les gens estimaient alors qu‘il n’avait rien de bon en lui » (Hindi, Kanz). Il dit que cela « vise le prétendu « Sheikh » qui n’a reçu de la communauté élue (qawm) que le rite du rattachement, l’utilisation du rosaire, la canne et le port du turban. » (p128)

« La fréquentation d'un soufi ignorant est également nuisible, et même plus nuisible que celle du savant insouciant…» Plus loin, il insiste parlant de l’apparition « d’imposteurs religieux » : « ce sont les pires des imposteurs car ils convainquent les gens en se servant de la religion et arrivent à tromper les plus faibles d’entre eux. Ce sont eux les menteurs, ceux qui cherchent à s’approprier les biens de ce monde en utilisant la religion ; ils rafistolent leur vie matérielle à l'aide de morceau de la vie religieuse et finalement tout finit par disparaître… » (p°132).

 

La voie de la Futuwwa tout au contraire nous appelle à la réalisation des vertus nobles ce qui est le remède contre ces attitudes hypocrites. Sheikh Muhyyî din Ibn arabi, quant à lui, dit que : « le Fata est par excellence celui qui entreprend les conquêtes (sahib al-Futuh) - Fut. IV p°357. Il s’agit des conquêtes dans la grande guerre sainte, celle contre les formes si multiples de l’ego puis de se revêtir des vertus nobles qui tracent en l’homme noble des Nom divins. Ce chemin conduit à la Sakina, la Grande Présence de la Paix toujours en accord avec la Victoire. Identifiant clairement les Fitya de la caverne avec les compagnons du Mahdi (voir chapitre 366 des Futuhat), Sheikh Muhhyyî din nous rappelle encore en suivant les données coraniques que le père fondateur de la Futuwwa est Sayyidina Ibrahim (saw) : « Abu-l-Fityan », celui qui dans son jihad brisa les idoles et nous apprit l’hospitalité. Un verset indique : « Nous avons autrefois donné à Abraham, que nous connaissons bien, sa droiture » - Coran 21,51. Sheikh Muhhyyî din, dans les Futuhat, reprend précisément cet ayat pour expliquer le nom divin Ar-Rashid.

 

Le Sheikh dans le même esprit appelle le Prophète Khayru-l-Fata, en tant que Sayyid al Murssalin et Fata al Fityan, -Fut. IV, p°140. Dans un hadith, le Prophète a dit :

« Je suis Fata fils de Fata (allusion à Sayyidina Ibrahim nommé ainsi, Chapitre 21 du Coran) frère du Fata (allusion à l’imam 'Ali) ».

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Nous ajoutons avec fierté qu’il est aussi Jaddu-l-Fata, le grand père du célèbre et magnifique Fata, l’Imam Hussein (sur eux toutes les grâces et la paix). Nous connaissons tous encore le fameux hadith : « La fata illa ‘Ali », qui rappelle cette fraternité de l’Imam, dans la même lumière originelle (voir Sirat, Ibn Hicham).

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Imam Hussein, archétype du Fata, tombe en martyr à Kerbala

Le Fata comme il se doit est, pour Sheikh al-akbar, par excellence l’homme libre (Hurr) (Fut. II p.105) celui qui s’affranchit de l’esclavage de son époque. On commence à voir se dessiner en quoi ces fitya représentent « les chevaliers de l’Imam al-Mahdi », ses compagnons véritables.

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Cette voie est aussi celle de la discrétion et de l’abnégation, aspect très féminin de la futuwwa qui permet d’introduire ici le fait que les femmes ont accès à toutes les stations de la sainteté, y compris le degré des êtres de la virilité spirituelle et même celui de pôle (Fut. Chap. 324). Le Sheikh parle à ce propos du Nom divin al-Latîf (le Subtil) qui agit précisément de façon cachée -Fut. II p. 467- et il insiste sur la puissance féminine en disant : « il n'y a aucune créature dans le monde créé qui soit plus forte que la femme ». La très noble et très pure Fatima al-kobra est l’exemple même de la futuwwa par son abnégation, sa fidélité au pacte et sa pureté, nous espérons consacrer une lettre entière à son sujet.

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Les Chevaliers ne sont-ils pas dans une quête vers la « vierge khalifa », al-‘azra al khalifa (Fut. I p. 5), ainsi que Sheikh al Akbar appelle la ka’abat al hasna (la sublime Ka’ba) nommée encore la tendre Houri (Fut. I, p. 7). Toutes les difficultés et épreuves que va rencontrer le chevalier sont considérées comme la dot à payer afin de réaliser l’Union, al wissâl, avec la ka’aba, nous enseigne Sheikh al-Akbar. Il précise l’union avec Elle, a des conditions mentionnées dans le livre écrit al Kitâb al-mastûr, sur le « Parchemin déployé » (al-riqq al-manshûr) tout comme la hasna’ (la belle dame) qui exige une dot. Sheikh al-akbar, déclare l’avoir vu comme « la belle dame sans merci » (comme celle des troubadours). La quête conduit donc al-Fatâ à la Ka’aba, siège de la Présence et le Fatâ transmet à son tour la science qu‘il en reçoit. Ceci correspond à l’expérience du Sheikh al-akbar et de cela va témoigner son livre inspiré : les futuhat al Makkiya

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Le Fata juvénile en quête de la Dame, la "tendre Houri", symbole de la Sagesse

Quant aux Fityan, rappelons encore que Sultân al awliya Sheikh 'Abdallah al Fa’iz ad-Daghestani, a reçu directement du Prophète (saw) des noms qui caractérisent ces compagnons fityan d’une façon très subtile en tant qu‘ils peuvent être 5, 7 ou 9 ainsi qu’il est dit (dans le hadith) pour le nombre des gens de la caverne. Nous reviendrons peut-être sûr cet immense trésor, s’il nous est permis d’en dévoiler quelques secrets.

Daïra, "Cercle", transmis par le Prophète Muhammad sws à Sheikh Abdallah ad-Daghestani en Vision

Au centre de la dâira, tawiz transmis par Sheikh Abdallah qui les mentionne selon un compte de 7 ou 9 possibles, est écrit : ALLAH HAQQ (Dieu est la Vérité Réelle), symbole du centre suprême identifié aussi au Mérou, le centre spirituel ultime. Or, ce qui est à remarquer c’est que si selon l’abjad, on compte juste les 4 lettres du nom de ALLAH : Alif, (1) lâm (30) lâm (30) ha (5), le total est 66.

Par ailleurs, le total des lettres de HAQ est : HA 8+QAF 100 = 108.

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Or, 108 est aussi le total du nom de Allah, si l’on compte le nom de Allah différemment. En effet, selon le Sheikh al Akbar le lâm est en fait dans l’écriture un alif (barre verticale) suivit d’un Nûn (partie circulaire). Dans ce dernier cas, nous avons : Alif (1) +Alif (1) + Nûn (50) + alif (1) + Nûn (50) +HA (5) ce qui fait un total de 108. (Voir sur ce sujet le traité de Michel Valsan, Skeikh Moustapha sur les lettres isolées dans le Coran dont l’Imam fera un usage clé selon la tradition). Cette indication du Haqq inclut dans le Nom Allah selon cette perception est une indication forte nous disant : Al-Haqq bi l-Haqq, le Réel ou le Vrai se connait par le Réel, le Vrai. Or ceci caractérise les fitya, les compagnons de l’Imam. Notons encore que le Sheikh al akbar dit que les ahl Haqq sont ceux qui regardent le Nûn, al Naziran fil Nun, car le Nûn est « le maître de la Futuwwa » (Fut. II, p.173). Quant à la vertu suprême du Fata, c’est la générosité. Dans un hadith, il est dit : « après la générosité du plus Généreux des généreux (Dieu) vient celle du plus noble des enfants d’Adam, (le Prophète). En troisième est la générosité de l’Homme qui reçoit une science et la transmet. Il sera ressuscité comme une Oumma à part entière. Ensuite vient la générosité de celui qui offre sa vie sur la voie d’Allah ».

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N’est-ce donc pas d’actualité, de faire circuler ces sciences même si cela nous demande un effort de compréhension et une ascèse de pureté pour en retenir le madad, le flux spirituel ?

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La deuxième vertu du Fata est-elle même connectée à la générosité, c’est la capacité de louanger, al Hamd, ce qui inclut, reconnaissance et remerciement. Dans un hadith, il est dit : « Toute chose qui ne commence pas par al hamd est voué à l’échec » (ibn Maja, sunnan I,  p. 610). Notons que le Coran commence par al hamd et que ce chapitre de la caverne aussi en particulier. Nous pouvons déjà commencer à pressentir que cette transparence et cette pureté nécessaire pour être Présent devant Dieu, comme cet acte de louange qui en garantit la permanence est en relation avec la retraite spirituelle pour une nouvelle naissance, ce que représente bien la caverne. Bien évidemment cette caverne est aussi en coordination avec le cœur et celui-ci comporte aussi son « gardien » comme le Raquim des gens de la caverne. Néanmoins, il y a des lois précises et délicates pour visiter les profondeurs du cœur et c’est pourquoi nous avons besoin de supports effectifs.

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Celui qui dit : « je peux me retirer dans mon cœur, il me suffit comme « retraite ».  Nous pouvons lui demander « combien de temps » restes tu dans le silence du cœur ? Est-ce vraiment un silence, est-ce l’extase des gens de la caverne qui dure 309 ans ? N’avons-nous pas besoin de comprendre et de vivre ce modèle coranique donné pour notre orientation essentielle ?

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Le verset II du chapitre de la caverne va nous ouvrir un nouveau champ de conscience à ce sujet. « Nous avons frappé leurs oreilles dans la caverne pour de nombreuses années ». Que signifie cette expression « fadharabna ‘ala uzhunihim » (frapper leurs oreilles) ?

Quel est cet acte qui va les faire rester 309 années sans vieillir dans ce lieu ? Peut-on se suffire de parler d’endormissement simple comme trop de commentateurs l’expriment ? Ne sommes-nous pas en train de méditer sur un fait extraordinaire pour nous, mais normal pour Dieu ? Il nous dit : « Crois-tu que le cas des gens de la caverne et de Raquim soit un de nos signes si extraordinaires ?». Il s’agit de voir les deux aspects : d’un côté pour le commun des gens cela est extraordinaire, surtout à notre époque (l’Âge de Fer), mais du point de vue des gens de Dieu (dans l’Âge d’Or) c’est un phénomène connu. Cette action divine de « frapper les oreilles » pour ceux qui en font l’expérience, caractérise bien les débuts des états extatiques, qui suspendent la respiration et le cœur, lui-même, comme une sorte d’hibernation, qui suit un procédé techniquement très précis et bien connu de ceux qui le pratique. Nous en avons l’exemple près de nous de Sheikh Abdallah ad-Daghestani qui couramment pouvait rester comme mort, sans pouls, sans battements de cœur, pendant des semaines, puis revenait à lui comme si de rien n’était et frappait le plancher pour demander du thé. L’un de nos amis toujours vivant, Sheikh Nour Mohammad de l’Inde est ainsi resté 92 jours dans une tombe scellée, sans manger sans boire, sans respirer, ainsi que l’ont constaté des milliers de personnes, puis est sorti tout à fait normal, ceci quelques années auparavant. Il y a des degrés et des étapes, mais les premières phases, celles de l'extase sont tout à fait normales dans le chemin.

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Sheikh al 'Alawi ne dit-il pas dans ses poèmes « fal wajdu bihim da’i yad’uhum yat’a alayhim fi dhikri llahi » : « l’extase pour eux (les fata) est un appel qui surgit dans le dhikr » et il poursuit « fa-in lam yajid fal yatawajad qasqan yata’ad li fadl-l-ulahi » : « Et si tu ne trouves pas l’extase mets-toi en condition de le trouver car notre but (qasdan) c’est de nous prédisposer à la grâce divine ».

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Le but de la Voie est donc bien clairement exprimer en relation avec cette étape extatique nécessaire même si elle n’est pas la fin du chemin. Je me souviens que lors de ma première rencontre avec Sheikh Nazim il y a 25 ans, je pensais exactement à ces deux vers, et je lui ai donc demandé si dans la confrérie naqshbandi on réalisait aussi des extases, il m’a répondu : « Bien évidemment ! ». Plus tard, il me donna le conseil suivant qui influença fondamentalement mon orientation : « Dis aux gens qu‘il n’y a que deux catégories, ceux qui réalisent le Fath et l’extase, et ceux qui restent dans la spéculation ».

 

Comment se passer de cette immersion dans la grande Présence où nous ne sommes plus rien, où tout est silence et sans référence, ne convient-il pas de réaliser cette grande ablution de l'âme! C’est exactement l’orientation que nous prenons dans la prière avec le sujûd (la prosternation), l'état d’extinction, de fana. Pourtant il y a un retour afin d’intégrer cet état dans la vie quotidienne. Par la régularité de ces états extatiques, le voyageur en Dieu finit par se cuire comme une céramique qui supporte le feu divin de l’amour. Cela est en conformité avec le mouvement de la prière canonique, la çalât, qui finit par la tahiyya, la position assise. C’est pourquoi le Coran indique dans le verset suivant : « Nous les avons ensuite ressuscités, afin de savoir lequel des deux groupes avaient le mieux calculé la durée de leur séjour » - (18,12). Notons déjà que le mot « ressuscités » est très fort et indique bien la notion connue de Baqa’, permanente stabilité, après le Fana, l’extinction. Mais la suite du verset semble plus énigmatique « pour savoir lequel des deux groupes avaient le mieux calculé la durée de leur séjour ». En quoi savoir celui qui calcule le mieux serait important ? Il est bien évident que Dieu sait déjà la réponse mais les met en situation pour que cette « science apparaisse ». Notons déjà que le verbe « ahssâ » traduit ici par calculer veut dire aussi « recenser » et même intégrer, est la mise en acte d’un Nom divin al-Muhssî (Celui qui recense dans les moindre détails).


La suite est magnifiquement instructive pour éclairer cette question. L’un d’entre eux va poser la question sur combien de temps nous sommes restés, un autre répond un jour ou une partie d'un jour et finalement ils arrivent ensemble à la bonne conclusion qui est la réponse : « Raboukum a’lamu bimâ labithu » (« Votre Seigneur sait mieux combien de temps ils sont restés ici » -18,19) .Ceci va être confirmé encore plus loin :« Dieu sait parfaitement combien de temps ils sont restés, le secret des cieux et de la terre lui appartient, et c’est par Lui que tu dois voir et entendre » (18,26). On ne peut être plus clair ! C’est par Dieu que l’on voit et que l’on entend, c’est Lui le Savant ! L’état d’extase les a conduit hors des conditions normales du temps et de l‘espace à la réalisation par laquelle on est en Dieu et par Dieu, assister le Réel par le Réel, Nâçir a-l-Haqq bi l-Haqq. Ceci est la voie des fityan, les chevaliers de la vérité soutenu par l’Imam nous reconduisant ainsi à l'Âge d’Or, sur la terre comme au ciel, dans le royaume de MALIK AL-MOULK. Que celui qui prétend être sincère, s’engage donc dans la voie des « nobles héros » (les fityan), par les exercices de purification, par les vertus qui les caractérisent, par la prédisposition à l’extase qui est la grande ablution de la contemplation. Ces chevaliers nouveaux auront besoin d'être formés, eux aussi, mais hélas, les maîtres authentiques sont devenus très peu nombreux et souvent se retirent de ce monde. Il y a des critères pour reconnaître ces perles rares qui acceptent par le compagnonnage. Nous ne parlons pas du pseudo compagnonnage d'un club de copains mais de celui qui appelle à une exigence de noblesse, de réalisation véritable : Tahqîq. Si le Maître accepte le disciple, il ne le conduira pas dans une forme nouvelle ou un groupe particulier, mais vers l'Imam de cette époque, celui qui enseigne dans le secret des cœurs, dans la liberté d'être Soi, d'être Vrai. Nous parlerons des critères du Maître véritable et de l'exigence de son compagnonnage dans la NewsLetter n° 4.

 

Sh. Amanoullah de Vos

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