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L'astrologie dans le monde islamique

Concernant la pratique de l’astrologie je reçois beaucoup de demandes inquiètes sur sa légitimité dans l’islam. Une des premières réactions que devrait avoir un musulman en s’interrogeant c’est de se rappeler les nombreuses paroles prophétiques qui énoncent l’obligation de rechercher la science, « du berceau jusqu’au tombeau » et même « fut-ce en Chine. »

Cela veut dire que selon l’islam, on ne doit pas juger sur des préjugés même si parfois ils semblent suggérés par des soit disant théologiens qui eux-mêmes n’ont pas fait de recherches sur ce sujet. En effet, que dire si certains se basent sur une peur, elle-même produite par l’ignorance présentée – abusivement - comme une crainte de Dieu. Il ne faut pas confondre la crainte révérencielle fondée sur une science de la Majesté avec la peur de l’obscurité.

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Représentation du zodiaque selon les données de l'ésotérisme islamique dans l'enseignement d'Ibn Arabi, avec les mansions lunaires et leurs attributs correspondants superposés aux signes zodiacaux.

Regardons pour s’instruire, ce que dit l’histoire et remarquons que l’astrologie est très ancienne. Elle fut relayée en occident par les grecques dont Ptolémée en 140 après J.C mais elle existe aussi depuis 6000 ans en Inde et aussi chez les sumériens depuis des millénaires. Au moment de l’empire romain elle commença à disparaître de la pensée européenne or c’est grâce à la civilisation arabo-musulmane qu’elle réapparut en Europe dès le IXe siècle.

Les musulmans, en effet, suivant les conseils du Prophète de l’Islam, ont commencé dès les débuts du VIIe siècle : à rechercher la science. Ils intégrèrent très rapidement les données grecques dont celle de l’astrologie et tout le système aristotélicien en l’adaptant et en l’intégrant dans la vision globale et synthétique de l’islam. Il est important de comprendre que l’esprit de l’islam n’est pas l’exclusion mais plutôt « l’intégration et l’assimilation » et c’est pourquoi le mot Coran veut dire « Synthèse qui englobe tout ce qui a existé. »

Le savoir n’est donc pas l’ennemi de la foi (comme il a pu apparaître dans la théologie du christianisme à cette même époque) surtout si ce savoir permet de comprendre les lois de l’univers dont Dieu est le créateur. C’est ainsi que dans les premières universités islamiques étaient réparties d’une part les sciences islamiques : le droit musulman, la théologie, la grammaire etc… et d’autre part : les sciences étrangères, géométrie, arithmétiques, philosophie, astronomie, alchimie, astrologie.

Notons que la première université islamique de grande ampleur fut fondée et dirigée par l’Imam Jaffar Sadiq arrière-petit-fils de l’Imam Husseyn lui-même petit-fils du Prophète. Jaffar Sadiq fut l’enseignant de nombreux savant dont les célèbres fondateur d’écoles juridiques Malik et Abu Hanifa qui tous deux se reconnaissaient ses disciples sans équivoque.


Dans cette université l’Alchimie était enseigné or l’un des élèves de Jaffar, reste l’un des plus grands alchimistes de l’histoire : Jabir Ibn hayyan (voir sur ce sujet mon livre : La chevalerie spirituelle par l’alchimie des lettres sacrées, Dervy).

Concernant l’astrologie, l’Imam Jaffar Sadiq a notamment déclaré : " Seules, une famille parmi les arabes (Ahl Al bayt min Al 'arab, i.e la famille du Prophète, les Imams), et une famille de l’Inde (ahl Al bayt min Al Hind) détiennent la Science de l'astrologie" (Al kulayni, Al Rawda, II 167), indiquant par-là que la connaissance intégrale de l’astrologie est éminemment entre les mains de l’Imam de l’époque, il en est le détenteur par excellence et la dissémine auprès de ses continuateurs investis selon une convenance et une mesure précise.

Les 12 Imams d'Ahl al Bayt, gardiens et transmetteurs de la Science Divine

Pour mieux comprendre cette vision islamique de l’astrologie il nous faut citer le verset du Coran, (36-12) qui dit : « kullu Shayn ahsaynahu fi Imam mubin », « toutes choses sont inscrite dans un prototype clair et évident ». Ce prototype, source de toutes choses, c’est le Coran et c’est aussi celui qui le réalise, le Prophète et ses héritiers spirituels. Nous parlons ici de l’Homme Universel qui contient la création. Il ne s’agit pas de dire que les planètes influencent l’homme mais de reconnaitre plutôt que les planètes sont le reflet extérieur du monde intérieur de l’homme.  

Ce point est important à méditer : l’homme, fait à l’image de Dieu, selon le hadith, contient en lui l’univers et c’est en lui qu’il peut découvrir les signes de la création. L’astrologie est donc cette science qui permet par un effet miroir de distinguer, de « lire » notre monde intérieur dont le reflet est dans les signes de la création. Ce qui est confirmé par le verset coranique : « Nous vous montrerons nos signes dans les horizons et en vous-même… » 

Cette vision est aussi appuyée par René Guénon, Sheikh Abdel Wâhid Yahya, véritable autorité en matière de science traditionnelle pour notre époque. Celui-ci nous rapporte :

« … l’astrologie, autre science cosmologique, est en réalité tout autre chose que l’« art divinatoire » ou la « science conjecturale » que veulent y voir uniquement les modernes ; elle se rapporte avant tout à la connaissance des « lois cycliques », qui joue un rôle important dans toutes les doctrines traditionnelles. Il y a d’ailleurs une certaine correspondance entre toutes ces sciences qui, par le fait qu’elles procèdent essentiellement des mêmes principes, sont, à certain point de vue, comme des représentations différentes d’une seule et même chose : ainsi, l’astrologie, l’alchimie et même la science des lettres ne font pour ainsi dire que traduire les mêmes vérités dans les langages propres à différents ordres de réalité, unis entre eux par la loi de l’analogie universelle, fondement de toute correspondance symbolique ; et, en vertu de cette même analogie, ces sciences trouvent, par une transposition appropriée, leur application dans le domaine du « microcosme » aussi bien que dans celui du « macrocosme », car le processus initiatique reproduit, dans toutes ses phases, le processus cosmologique lui-même » (Aperçus sur l’ésotérisme islamique et le taoïsme, p°25). Ce dernier point pour nous est fondamental d’où notre insistance.

En vertu de cette analogie universelle, le « macrocosme » est pris pour support en tant que reflet du « microcosme » et ainsi permet de poser une base vers une quête de notre être intérieur selon l’injonction prophétique bien connu : « Man ‘arafa nafsahu fa qad ‘arafa rabbahu, Celui qui connait son âme connait son Seigneur ».

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Le microcosme alchimique et l'homme astrologique

La recherche de la science, toujours d’après l’ordre prophétique, explique pourquoi il est facile de retrouver dans les données historiques fiables comment par exemple à la cour de Bagdad à l’époque de Haroun Ar Rachid (du temps de Charlemagne) et surtout au temps de son fils le Calife Al-Mamoun au IXe siècle, existait « la maison de la science », bayt al-hikma, dont le premier directeur a écrit des ouvrages sur l’astrologie. N’oublions pas non plus qu’à cette époque ce même Calife, avait donné sa fille au plus grand savant de cette époque, l’Imam Ali Redha le petit-fils du fameux Jaffar Sadiq. A cette époque toujours, se manifestaient de nombreux débats sur ces sujets étudiés par les savants musulmans. Or dans ce cadre, l’astrologie était omniprésente. Dès lors, comment affirmer sans honte que les théologiens de notre époque qui n’ont pas étudié cette science soient plus avancés que les anciens et comment accepter ceux qui font un jugement sommaire d’interdiction ? Durant toute cette période les élites comme le peuple, tous étudiaient l’astrologie or nous parlons précisément d’une époque de foisonnement intellectuel accompagné d’un grand développement de l’islam.

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Le calife fatimide et imam ismaélien al Hakim pratiquait l'astrologie

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La Maison de la Sagesse à Bagdad qui rassemblait toute la Science de l'époque suivant l'ordre prophétique

Le Calife fatimide El Hakim au début du IXe siècle, pratiquait lui-même l’astrologie et à Bagdad les médecins eux même étudiaient l’astrologie pour l’intégrer avec profit dans l’établissement de leurs diagnostiques. Pour aller plus loin, on pourrait lire les ouvrages de Abou Ma’char (787-886) exerçant à Bagdad, ou lire ce qu’en dit le philosophe :  al Kindi ou encore, Ali Ibn Ridwan (mort en 1061). Mais plus fort, regardons l’avis de l’un des plus célèbres théologiens de l’islam : Fakhr ad-din ar-Razi, sunnite chaféite (disciple d’un élève de Ghazali) qui enseignait précisément la théologie, la philosophie, l’astronomie, la médecine, mort à Herat en 1210. Or il considérait l’astrologie comme une science !!! Allons-nous juste ignorer des penseurs de ce niveau ? Et que dire du grand maître soufi Ibn Arabi de la même époque, qui lui-même écrivit sur l’astrologie en relation avec les noms divins (voir à ce sujet le livre de Titus Burckhardt : Clé spirituelle de l'astrologie musulmane) ? Ibn Arabi, d’ailleurs, écrivit une lettre (traduite par Michel Vâlsan) au théologien Razzi le jugeant digne de s’ouvrir à la vision par l’œil du cœur à laquelle il l’exhortait. Allons-nous croire que les censeurs d’aujourd’hui possèdent plus de science que ces gens à l’époque d’un Islam rayonnant par les sciences et par les études de ses élites ?

Pour ne pas sombrer dans l’obscurantisme, il nous faut revenir à la vraie compréhension de l’astrologie : miroir de la connaissance de soi, plutôt que de réduire celle-ci à une science de prédictions et de voyance obscure. C’est ce côté « phénomènes de foires » uniquement qui fut dénoncé à juste titre au cours de l’histoire du fait qu’elle induisait le peuple vers une illusion déviante.

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Représentation des signes du zodiaque dans un manuscrit persan

Revenons maintenant sur un autre point important : la correspondance analogique qui existe entre les différentes sciences traditionnelles. Le point commun entre alchimie, médecine, astrologie et science des lettres, c’est la notion fameuse des quatre éléments qui sont au cœur des choses : Terre, Eau, Feu et Air. Notons que ces quatre éléments sont aussi constitutifs des lettres de l’alphabet arabe : chaque lettre en ayant une proportion bien déterminée par la « science de la balance » dont parle Jabir disciple de l’Imam Jaffar Sadiq. Ceci est un signe de la proximité de la langue arabe avec la langue originelle solaire (lugha suryaniyya) dont la caractéristique est que le mot désignant une chose est de même nature que l’objet désigné. Cette caractéristique a justifié le titre de mon livre : la chevalerie spirituelle par l’alchimie des lettres sacrées.

Or, ces quatre éléments se multiplient par 3 tendances de mouvement que l’on peut résumer par : fixe, mutable et cardinales. L’ensemble donne les 12 signes du zodiaque qui correspondent à 12 phases de la vie dans la nature. Les planètes quant à elles sont gérer par les esprits des 7 prophètes les plus célèbres de l’histoire qui sont porteurs d’une sagesse spécifique et de l’enseignement des noms divins.

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Représentation alchimique des 3 tendances du mouvement (corpus, anima, spiritus) et des 4 éléments.

Par ailleurs ce que l’on appelle « la carte du ciel », de notre naissance reflète le « contrat » d’âme que nous avons fait avec notre Seigneur Rabb, pour aller vers notre mission de vie.  Cette notion de pacte céleste est bien connue en Islam. Nous avons donc dans l’astrologie un miroir de la connaissance de nous-même qui met en valeur les cycles ou étapes de notre mûrissement, tout cela selon l’axe de notre destinée. L’astrologue qui aide, selon cet esprit, un consultant, prend le rôle d’un miroir en respectant la parole prophétique qui dit : « al mu’min mirat al mu’min », « le croyant est le miroir du croyant ». Il n’y a pas une recherche d’influence mais juste le principe d’aider l’autre à se connaitre par cet effet miroir. En quoi cette recherche de la connaissance de soi à l’aide d’un tel outil serait préjudiciable ?


Néanmoins il est nécessaire d’attirer tout de même l’attention du chercheur sur les risques. En effet, si j’ai trouvé juste de montrer l’origine acceptable de l’astrologie il est tout aussi juste de signaler qu’il existe dans les interprétations des astrologues de nombreuses déviations. Il y a ici une analogie avec la science des lettres qui est pure dans son origine mais parfois déviée. Ceci vient du fait que nous sommes dans une époque de cette descente cyclique dont la tradition parle comme les quatre âges de l’humanité : Or, Argent, Bronze et Fer. Nous sommes dans cet âge de Fer, sombre et obscure, où le sacré a perdu la place prépondérante qu’il occupait dans les époques précédentes. Aujourd’hui, les personnes cherchent dans l’astrologie des simples prédictions comme si l’on consultait un voyant et malheureusement les astrologues leur font plaisir. Cela ne veut pas dire que la quête de la connaissance doit s’arrêter. Il s’agit de chercher les bons interprètes. C’est vrai que cela n’est pas facile car tout est mélangé mais le travail est précisément de distinguer le « bon grain » de l’ivraie. Il est conseiller de rechercher ceux qui reprennent l’orientation traditionnelle. Pour une raison voulue dans le plan divin, la science a été « dispersée », tabdîd al ‘ilm, il nous incombe de reconstituer le puzzle. A vous d’utiliser plusieurs livres et surtout de rattacher la branche d’une science particulière au tronc de l’arbre de la grande Tradition primordiale « dîn al Qayyim ».

Sh. Amanoullah de Vos

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